1 mai
Aujourd’hui, Premier mai, j’ai trempé ma plume dans l’encre rouge.
Ah ! monsieur vous osez déclarer que grâce à vous, nous l’avons échappé belle, que le bilan, provisoire, aurait pu être bien pire.
Ah ! monsieur vous arborez une mine compassée prônant l’humilité. Un vulgaire virus vous aurait rabaissé le caquet ?
Ah ! monsieur vous jurez vos grands dieux que vous avez compris la leçon et que plus rien après ne sera comme avant.
Il faut que tout change pour que rien ne change, tous les maitres en place, avant vous, en ont fait le pari et l’ont perdu.
Ensuite, vous irez rejoindre les vôtres et en petit comité, dans le salon doré de votre château, à l’abri des oreilles indiscrètes, vous ferez vos comptes et vous évaluerez, en
vous octroyant une substantielle marge d’erreur, ce qui est bon pour le peuple, et vous ferez la part du feu en lui laissant quelques miettes et quelques os à ronger.
Des masques, des gants, des tests. Tous ces trucs inutiles hier, obligatoires après-demain.
Quant au reste, des crédits pour les hôpitaux, les écoles, les gens d’en bas, on verra bien plus tard.
Ah ! monsieur, décillez-vous les yeux
Ouvrez vos oreilles.
Votre monde se dérobe sous vos pieds.
Vous et les vôtres n’abusez plus personne en vous résignant à renoncer provisoirement à vos dividendes, vous avez la trouille de perdre votre capital c’est tout.
Comme Harpagon avec sa cassette, vous allez partout implorant, pleurnichant, criaillant mes avions, mes automobiles, mon pétrole.
Ravalez vos hommages hypocrites aux personnels soignants, aux fonctionnaires, aux travailleurs exposés tous les jours à l’épidémie.
Vous êtes restés sourds à la colère des gilets jaunes.
Vous avez envoyé vos grenades sur les infirmières qui criaient misère.
Vous vouliez reculer l’âge de la retraite sous prétexte que l’espérance de vie augmentait !
Ah ! monsieur, on ne pouvait tout prévoir, n’est-ce-pas ?
Récoltez maintenant ce que vous avez semé.
Un péril imprévisible, invisible, redoutable vous guette.
La clameur d’un peuple qui gronde, monte, déferle.
Ah ! monsieur, on vous a assez vu, vous et vos pareils, réfugiez-vous dans vos paradis fiscaux, externalisez- vous, vous-mêmes et allez au diable. Dégagez !
Et laissez-moi chanter, avec Jean Ferrat
Ah qu'il vienne au moins le temps des cerises
Avant de claquer sur mon tambourin
Avant que j’aie dû boucler mes valises
Et qu'on m'ait poussé dans le dernier train